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Des nouvelles d'Henry Vray
21 mars 2013

Le lièvre du beau-frère

C'étaitt à l'époque du protectorat tunisien,peu avant l'arrivée de l'Afrika  Korps de Rommel qui fut suivie du reflux des troupes de l'Axe  pourchassées par celles des Alliés.Tout était calme encore.Les chasseurs pouvaient s'adonner  sans frein à leur vice impuni dans de vastes espaces  sauvages exempts de macadam où,commme disait Arthur le plaisantin,"la main de l'homme n'avait jamais mis les pieds".L'homme était un fou d'exploits cynégétiques,un Tartarin qui ne chassait pas les casquettes ,encore moins le lion de l'Atlas,mais toutes sortes de gibier comestible,à poil ou à plumes,dont l'arrivée sur la table familiale était saluée par des vivats en un temps de restricions alimentaires où le steak  était rare.

Ce viandard sanguinaire tirait  sur tout ce qui volait dans le jardin de ses beaux-parents qui hébergeaient son couple.Il encombrait  sans se gêner de bourres et de plombs le buffet ventru de leur salon,car il fabriquait lui-même ses cartouches.Lorsqu'il revenait bredouille,c'était pour se venger sur les moineaux qui faisaient l'amour dans les branches pour en faire des boulettes de hachis emplumées.Parfois il tirait sans succés sur des vanneaux qui le narguaient,en parfaite sécurité au-dessus des nuages.Mais leplus souvent son carnier était garni de ses exploits:perdreaux mordorés et grives tachetées.Parfois une bécasse qu'il dégustait tout seul car  le fin du fin était de la laisser pourrir jusqu'à ce que s'échappe  de son bec une liqueur nauséabonde et il se régalait ensuite en étalant sur une tranche de pain ses boyaux réduits àl'état de pourriture.Beaucoup plus rare était le lièvre aux longues oreilles

Un jour il ramena des rives de l'oued Milia un grand mâle,un beau léporidé qu'il disait  avoir décapité d'un seul coup de son calibre douze à deux canons superposés.L'animal avait une étrange fourrure tigrée qui appartenait paraît-il une sous-espèce devenue trés rare car surchassée en raison  en raison de sa chair nourrie exclusivement de romarin.Cela n'étonna personne et ,lorsqu'il fut cuisiné,nul ne s'alarma de l'absence de la tête dans le civet à  la polente.Seuls les enfants exprimèrent un regret de devoir se passer de la cervelle,de la langue,des joues et des yeux dont ils avaient espéré se régaler.Mais brusquement toute la vérité éclata.Pressé de questions par sa belle-mère que l'état de ses dents empêchait de bien mastiquer une cuisse trop  ferme pour être celle d'un lièvre,Arthur finit par tout avouer avec un grand sourire satisfait qui ornait sa bouche lippue barrée d'une moustache de Zorro..Il se lécha les  doigts puis Nemrod raconta son exploit.

Certes,depuis la veille,on n'entendait plus la voisine  appeler avec des "minou,minou" de plus en plus câlins son vieux gouttière.et le petit beau-frère du chasseur s'en était un peu étonné,mais cette fois les choses étaient d'une clarté aveuglante,d'autant que des précisions étaient données.Le chat avait été abattu,disait Nemrod,alors qu'il chassait lui-même les petits oiseaux dans le goyavier  en obeissant à son instinct.Le meurte avait été commis,non avec le fameux "douze",mais à l'aide de la carabine cinq-cinq aussi précise que la Winchester de Buffalo Bill.

D'un seul élan ,toute la famille avait quitté la table.Longtemps elle reprocha à l'assassin ce meurtre suivi d'un repas de faux lièvre qui pourtant n'incommoda personne,bien qu'un ami des bêtes l'ait qualifié de festin de cannibale.Sa belle-mère avait pris la tête des protestataires les plus véhéments,mais c'était pour la forme car son bel appétit avait fait son oeuvre et elle avait râclé tous les os du "lièvre".Par la suite en effetelle fit des grâcieusetés au petit chat blanc de la  voisine,peut-être parce qu'elle le jugeait plus tendre que  le matou tigré..Le jeune félin n'eut pas un sort plus enviable.Un jour où il faisait trés chaud le chasseur avait abusé d'un généreux rosé bien frais.Il se leva de table,plantant là tout le monde.Il revint peu aprés en tenant par la queue,miaulant atrocement,lepetit chat blanc qui rôdait  prés de la poubelle.Il le fit tourner en l'air comme une fronde puis le préciîta contre un mur devant l'assistance médusée.Il ramassa la dépouille en riant d'un air stupide;puis la jeta au-delà de la  clôture,pissant son sang mêlé à sa cervelle.Et,comme il se doit,il descendit d'un degré supplémentaire l'échelle d'estime où le tenait sa belle-mère.Elle refusa même de goûter,quelque temps plus tard,au gigot de chamelon qu'il avait rapporté d'on ne sait où.

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